Guérir de ses blessures intimes : un chemin de miséricorde
Notre monde hypersexualisé génère son lot de souffrances affectives et relationnelles. Beaucoup portent en eux des plaies liées à leur histoire personnelle ou leur parcours amoureux. Mais là où le péché a abondé, la miséricorde de Dieu se révèle plus grande encore. Quels visages prend-elle pour rejoindre chacun dans son intimité blessée ?
Des blessures souvent invisiblesLe sexe s'affiche partout aujourd'hui, mais les blessures intimes restent cachées, tapies au fond des cœurs. Pourtant, elles sont souvent profondes chez celles et ceux qui ont eu un parcours de vie chaotique. Violences subies, addictions sexuelles, avortements, abandons, infidélités...
Ces traumatismes laissent des séquelles durables. Dévalorisation de soi, incapacité à s'engager dans la durée, cycles de répétition, troubles psycho-sexuels sont quelques-unes des conséquences observées. Autant de maux largement tabous qui nourrissent un terreau secret de souffrance.
Heureusement, à côté des cabinets médicaux ou psychologiques, il existe aujourd'hui des lieux pour mettre des mots sur l'indicible de ces blessures. Associations chrétiennes ou laïques, groupes de parole, réseaux d'entraide entre personnes concernées se multiplient pour briser la loi du silence autour de cette détresse cachée.
Une invitation à la rencontreCes initiatives manifestent à leur manière la miséricorde divine qui rejoint chacun dans son histoire. Car s'il est une constante dans l'Évangile, c'est bien le regard de compassion que Jésus porte sur toute misère humaine. Ni mépris, ni jugement chez lui : son cœur "pris de pitié" saisit d'emblée la souffrance de l'autre pour la panser.
Le Christ est venu révéler le vrai visage de Dieu, riche en miséricorde pour toute brebis blessée et égarée. Sa Parole consolatrice s'adresse d'abord au cœur meurtri : "Venez à moi, vous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous procurerai le repos." Dans le secret de la prière, c'est là que tout commence.
S'ouvrir à la compassion divine posée sur nos fragilités les plus honteuses : voilà le premier pas sur le chemin de guérison. Sans rien excuser du mal commis ou subi, Jésus désire rétablir chaque personne dans sa dignité de fils ou fille infiniment aimable à ses yeux.
Se laisser rejoindre par les sacrementsMais la miséricorde du Seigneur ne s'arrête pas au pardon intérieur, si fondateur soit-il. Elle veut rejoindre chacun à travers des médiations humaines, que l'Église appelle "sacrements" : véritables canaux de la tendresse divine.
Ainsi le sacrement de réconciliation permet de déposer aux pieds du Christ la honte de ses blessures pour en être lavé. Quel soulagement de se savoir pardonné, libéré du poids de la culpabilité ! C'est un nouveau départ dans la vie du Ressuscité qui s'offre alors.
Quant à l'Eucharistie, elle est nourriture viatique soutenant nos existences meurtries au long cours. Le Christ se fait proche, "doux compagnon de route" pour ceux qui peinent. Sa Présence discrète mais réelle fortifie nos vies abîmées et leur redonne sens.
La force d'une communauté fraternelleSur le chemin de résilience, le soutien d'une communauté bienveillante s'avère aussi précieux. À l'opposé d'un certain communautarisme étroit, elle accueille sans juger ni exclure a priori. Une écoute empathique, la force d'un témoignage, la prière confiante d'un groupe... autant de gestes qui aident à relever la tête.
Le Christ a voulu constituer son Église comme une famille unie dans la diversité de ses membres. C'est vrai des paroisses mais aussi des communautés nouvelles ou mouvements chrétiens qui manifestent ce "supplément d'âme" fait de chaleur humaine et d'ouverture à la transcendance.
Là on se sent accueilli tel que l'on est, dans le respect inconditionnel de notre parcours singulier. Une étape décisive pour (re)trouver confiance en soi, en les autres et en la Vie qui nous habite.
Les défis d'une pastorale de la miséricordeCertes des progrès restent à faire pour que tous les blessés de la vie trouvent leur place dans nos communautés. Juger ou stigmatiser certaines situations familiales compliquées n'aide pas à cheminer vers la paix du cœur.
Le pape François appelle à développer une authentique "pastorale de la miséricorde", un dispositif d'écoute et d'accompagnement qui rejoindrait ceux que la vie a meurtris. Plus largement, c'est toute la culture de l'Église qu'il s'agit de convertir en ce sens : miser toujours sur la puissance restauratrice de la Miséricorde plutôt que sur la norme morale.
Là se trouve l'humus d'où peut renaître toute vie abîmée. Au-delà des limites de nos approches pastorales, l'Amour crucifié continue d'œuvrer pour panser nos blessures intimes les plus douloureuses. À nous de nous laisser rejoindre par sa Puissance de guérison !